Occitanie, une réalité test pas si rose…

Si l’on en croit la page qui lui est dédiée sur le site de Régions de France, « l’Occitanie est dans le paysage français le synonyme de réussite » grâce à « une croissance économique et démographique pratiquement ininterrompue » depuis les années 90, jointe à « un dynamisme et une qualité de vie qui attirent chaque année davantage ». Avec ses 6 millions d’habitants répartis sur 13 départements, notre territoire gagne 40.000 nouveaux habitants par an. Les chaînes d’assemblage d’Airbus tournent à plein régime dans l’ouest toulousain, notre balance commerciale est excédentaire, les touristes affluent l’été sur les plages languedociennes et catalanes, les producteurs de séries TV installent sur le littoral leurs équipes de tournage… Si on l’observe à la va-vite, le tableau semble idyllique. Occitanie rimerait presque avec success story !

D’ailleurs, la majorité régionale ne se prive pas de multiplier les cocoricos et les autosatisfecit. Première région française dans tel domaine, seconde région d’Europe dans tel autre, région à énergie positive, créatrice et innovante, attractive et rayonnante : c’est ainsi que l’exécutif aime à parler de l’Occitanie. Et, si l’on n’y prenait pas garde, on pourrait presque le croire. Hélas, derrière les slogans électoraux relayés par une presse complaisante, les éléments de langage ressassés sur les plateaux TV ou les arguments cache-misère répétés à l’envi lors les débats confidentiels de l’assemblée régionale se cache une réalité beaucoup moins rose que les esprits chagrins ne cessent de pointer du doigts depuis des années.

D’après l’Insee, 1 habitant sur 6 vit en dessous du seuil de pauvreté. Un million d’Occitans voient passer le train de la croissance. Ce sont des familles monoparentales, des jeunes, des actifs, des retraités… L’Occitanie est la 3erégion la plus pauvre de France métropolitaine derrière les Hauts-de-France et PACA. Avec un taux de chômage de près de 9 %, soit 1,5 point au-dessus de la moyenne nationale, la région ne parvient pas à créer suffisamment d’emplois pour endiguer le chômage, notamment celui des jeunes. 23,5 % des 15 à 24 ans sont sans emploi. Seule la région Hauts-de-France a des chiffres plus mauvais. Il y a plus grave : c’est la persistance de la pauvreté et du chômage en Occitanie depuis des décennies.

Les conséquences de ce double phénomène sont politiquement désastreuses. La population qui ne voit pas d’amélioration dans sa vie quotidienne exprime sa détresse dans les urnes. L’extrême-droite ne cesse de progresser dans l’électorat, comme en attestent les derniers scrutins. En avril 2022, à l’occasion du 1er tour de l’élection présidentielle, Marine Le Pen (24,6 %) devance Emmanuel Macron (23,5%) et Jean-Luc Mélenchon (22,4 %). En juin 2024, lors des élections européennes, le liste RN conduite par Jordan Bardella obtient 33,7 % des suffrages, loin devant la liste socialiste de Raphaël Glucksmann (15,5 %) et la liste présidentielle conduite par Valérie Hayer (12,2 %). Le 30 juin 2024, avec 32,7 % des suffrages exprimés en faveur de ses candidats au 1er tour des législatives, le RN confirme sa place de premier parti d’Occitanie.

On l’aura compris, en Occitanie plus qu’ailleurs, la réussite ne vaut pas pour tous. Malgré leurs incontestables performances, les locomotives ne parviennent pas à entraîner derrière elles les wagons de queue qui menacent chaque jour plus nombreux de décrocher. En réalité, les métropoles toulousaine et montpellieraine vers lesquelles convergent l’attention des décideurs sont les deux arbres qui cachent une forêt occitane dans laquelle les territoires ruraux et de montagne souffrent tout autant que les villes moyennes qui peinent à retrouver leur attractivité malgré les dispositifs nationaux mis en place et le volontarisme des élus locaux. Le problème n’est pas qu’il y ait deux puissantes locomotives. Elles sont une formidable chance pour notre région. Le souci est ailleurs. C’est que les politiques régionales mises en œuvre depuis trop longtemps maintenant ne parviennent pas à concevoir les dispositifs efficaces qui permettraient de corriger les tendances lourdes de l’économie régionale et de recréer un écosystème réellement vertueux. C’est notre modèle de développement régional qu’il faut revoir.

Au-delà des grands défis auxquels toutes les régions sont confrontées (croissance verte, adaptation au changement climatique, décarbonation de l’économie, mobilité durable, réduction des inégalités sociales, lutte contre les déserts médicaux, vieillissement de la population…) et de ceux qui touchent l’Occitanie avec plus d’acuité (gestion de la ressource en eau, recul du trait de côté, limitation de l’artificialisation des terres, agriculture et viticulture durables, insertion professionnelle des jeunes…), il est un enjeu fondamental qui doit guider nos politiques publiques : c’est la cohésion afin que la croissance régionale profite à l’ensemble de la population et des territoires d’Occitanie. Cela nécessite de porter une égale attention à tous les territoires (métropoles, villes moyennes, territoires périurbains, ruraux et/ou de montagne, littoraux) et à tous les acteurs qui font l’Occitanie afin de permettre un égal accès à la santé, au logement, à l’emploi, à la culture et au sport.